Rénovation urbaine à Saint-Jacques : les maires changent, mais rien ne change

 

 

À Perpignan, le quartier Saint-Jacques est-il définitivement voué à ne servir que de variable d'ajustement électoral pour les politiciens de droite et d'extrême droite ? On peut se poser la question tant les politiques municipales, depuis 60 ans, n'ont fait que conduire à la situation catastrophique que nous connaissons aujourd'hui. De Paul Alduy à Louis Aliot, en passant par Jean-Marc Pujol, des promesses électorales, puis rien !

 

Pujol et Aliot : des maires démolisseurs.

 

J-M. Pujol est un des maires qui a le plus détruit la ville. De 2015 à 2018, il a fait démolir 82 immeubles en centre ancien, dont une soixantaine rien qu'à Saint-Jacques. Ces démolitions ont été réalisées au mépris du règlement d'urbanisme en vigueur.  En effet, nous sommes en Site patrimonial remarquable (ex secteur sauvegardé de la loi Malraux) et bon nombre d'immeubles devaient être conservés et les autres reconstruits. J-M. Pujol n'a rien construit, laissant le quartier avec ses trouées et ses étais métalliques, comme après un bombardement. Mais, suite à la révolte des habitants du quartier et à l'action d'une association de sauvegarde du patrimoine, il a dû stopper les démolitions et engager une concertation, fin juin 2018.

Cliché 1 : le 30.07.2018, blocage de la démolition de l'ïlot Puig et préparation de la marche vers la préfecture

Louis Aliot, élu il a 2,5 ans, avait promis,  pour tenter de capter les voix des habitants du quartier, qu'il n'y aurait plus de démolitions et qu'on allait réhabiliter les immeubles. Or, la première chose qu'il a faite c'est de démolir les HLM Bétriu (24 logements en bon état) et le poste de police adjacent, sous prétexte d'éliminer un point de deal. Le point de deal s'est déplacé et rien n'a été reconstruit. La seconde chose qu'il a faite, fin décembre 2021, c'est de démolir l'îlot Puig, symbole de la résistance des habitants, en juillet 2018 (7 immeubles supplémentaires démoli). Et malgré les promesses de reconstruction, à part un panneau géant, rien. L. Aliot a pourtant vendu le terrain de 1400 m2 à un aménageur (UNICI) pour 103 500 € ; pour mémoire, à l'automne 2018, J-M. Pujol avait proposé ce même terrain à la présidente du département pour un montant de 2 millions d'€. Il faudra que l'on nous explique comment la valeur de ce terrain a été divisée par 20 en 5 ans ?

Cliché 2 : l'Îlot Puig démoli en décembre 2021 ; malgré les promesses de Louis Aliot, depuis, aucune concertation et rien de reconstruit

Par ailleurs, l'îlot Paradis-Sentier-Mercadiers-Bailly, soit 11 immeubles, démolis en juin 2018, devait être reconstruit. Mais l'appel d'offre lancé en juin 2021 a été récemment classé sans suite. L'appel d'offre pour recruter un concessionnaire pour aménager la partie Sud de Saint-Jacques (triangle place Deloncle-rue Fontaine neuve-Michel Carola-Paradis) a lui aussi été classé sans suite.

De Pujol à Aliot, rien ne change : on démolit Saint-Jacques, mais on ne reconstruit pas.

 

Le NPNRU Saint-Jacques revu à la baisse ou le rétropédalage de Louis Aliot..

 

Le quartier Saint-Jacques s'inscrit dans le cadre du Nouveau Plan National de Renouvellement urbain (NPNRU) depuis 2018. Mais les choses n'avancent guère et comme nous le verrons nous assistons à des reculades significatives. Jusqu'en 2020, J-M. Pujol claironnait que l'enveloppe pour le NPNRU Saint-Jacques était de 100 millions d'€. Aussitôt élu maire, L. Aliot affirme que l'enveloppe n'est plus que 70 millions. Où sont passés les 30 millions manquants ? Mystère, d'autant qu'aucun chantier n'a été engagé à Saint-Jacques.

 

En réalité, pour le quartier Saint-Jacques proprement dit, ce ne seront pas 70 millions, loin s'en faut ! On a subtilement intégré dans le NPNRU Saint-Jacques les travaux de réhabilitation et de construction pour l'installation de l'université en centre ville (au bas mot 15 millions d'€), ainsi que les aménagements et la piétonisation de l'axe Augustins -Llucia (environ 7 millions semble-t-il). L'installation de l'université en centre ville est une bonne chose, mais l'université est de la compétence de l'Etat et de la Région et non de la ville. Etonnamment les 2 maires successifs considèrent que l'université c'est beaucoup plus urgent que Saint-Jacques et ses habitants.

 

Au conseil municipal du 10 novembre dernier, il a été décidé de mettre en place "une nouvelle stratégie globale" pour Saint-Jacques. C'est la stratégie du rétropédalage et du sur place, car ce qui a été acté c'est de diviser par 4 le programme de réhabilitation pour les 8 prochaines années. On passe ainsi de 24 îlots dégradés qui devaient être traités, à 6. Il s'agit d'îlots qui donnent sur les rues Llucia et Fontaine neuve, pour un effet "vitrine" en quelque sorte ; l'élu en charge du dossier lève le voile en précisant qu'il s'agit de "faire venir de nouvelles personnes", ce qu'il faut bien entendu traduire par gentrification. En réduisant la voilure à sa plus simple expression, on abandonne Saint-Jacques, ses habitants et ses immeubles. Ces derniers vont continuer à se dégrader et finiront bien par s'effondrer si rien n'est fait, et, on finira par raser Saint-Jacques.

 

 

Cliché 3 : la rue Llucia, vers la place Joseph Deloncle. C'est là que Louis Aliot veut concentrer sa nouvelle stratégie globale, sa reculade, pour faire venir une nouvelle population

Quel avenir pour Saint-Jacques ?

 

Dernière et très mauvaise nouvelle, ce jeudi 12 janvier : on apprend que le maire a décidé de faire démolir, dès le lendemain, au moins 6 immeubles situés en haut de la rue Llucia et donnant rue des Potiers. Cette décision s'appuierait sur une expertise signalant ces immeubles, qui semblent en bon état, comme étant en péril et risquant de s'effondrer. une trentaine d'habitants d'immeubles proches ont été évacués. Rien ne prouve que ces immeubles soient en péril et qu'ils risquent de s'effondrer. Il faut une expertise contradictoire réalisée par un ingénieur compétent dans le bâti ancien, puis se poser et réfléchir aux solutions, notamment de réhabilitation. Il faut que dans le cadre du NPNRU, le préfet et l'ANRU se saisissent de ce dossier.

On peut se poser la question : que cherche vraiment L. Aliot à Saint-Jacques, en se cachant derrière de double discours ?

Cliché 4 : le 12 janvier 2023, annonce de la démolition de cet îlot (Llucia-Carola-Potiers)

Le quartier Saint-Jacques est riche de son patrimoine bâti, riche de ses habitants dans leur diversité. Mais il accumule les problèmes : pauvreté, chômage, santé, scolarisation, bâti dégradé, insalubrité. Alors qu'une perspective d'amélioration se faisait jour avec un programme de renouvellement urbain doté de moyens importants, voilà que la municipalité change les priorités. La priorité ce ne sont plus les habitants mais l'université et la venue de nouvelles populations. Les services de l'Etat, le préfet, l'ANRU ne peuvent valider cette "nouvelle stratégie globale". Il faut ré-ouvrir la concertation avec les habitants et les associations. Il est urgent de prendre des mesures pour stopper la dégradation du bâti. Il faut engager des réhabilitations, immeuble par immeuble, en associant les habitants, en ayant recours à des artisans locaux et en faisant travailler les jeunes du quartier dans le cadre de programmes d'insertion. Les habitants doivent être partie prenante de la réhabilitation de leur quartier. Et il faut, bien entendu un accompagnement social et scolaire à la hauteur des besoins, en faisant appel à toutes les ressources disponibles.                 

 

NB : ce texte reprend, complète et actualise des articles publiés dans l'hebdomadaire Le Travailleur catalan, n° 3952 et n° 3953.

 

Jean-Bernard Mathon

membre du collège de L'Alternative ! Endavant. 

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